lundi 25 novembre 2024

Truffes est arrivé et mis en vente libre.




Pour les commandes, soit vous nous envoyez un petit mail à lamagieassociation@gmail.com  ou directement sur ce lien nous ou aux éditions Tapage
Les copies des dessins du livre sont içi




 

lundi 4 novembre 2024

«  L’envol de l’énigme »






 


                                                                L'envol de l'Enigme 


Critique de l’œuvre de Meichelus réalisée par l’autrice Anouk Journo


Cette œuvre de 80/60 cm, terminée le 3/11/2024 et commencé le 15/03/2024 est réalisée à l'aquarelle, l’aquarelle luminescente, l’acrylique, le crayon mine, et l'encre de Chine.

 « L’envol de l’Enigme » est le résultat d’un travail minutieux et intensément symbolique, à la croisée de l'art sacré et de la cartographie spirituelle. D'une richesse iconographique foisonnante, elle s'articule autour d'un agencement complexe de motifs et de figures qui interpellent par leur précision et leur caractère mystérieux… Chaque élément est empli c d'une signification propre. De fait, la démarche artistique de Meichelus est transcendante et méditative.


L'organisation visuelle de cette peinture repose sur un format horizontal à plusieurs registres superposés, évoquant les frises murales ou les rouleaux illustrés des manuscrits anciens… On y découvre une succession de « bandes étagées » semblables à des séquences visuelles dans un manuscrit ou une tapisserie, où chaque registre semble raconter une histoire ou introduire un ensemble de symboles distincts. Comment ne pas songer aux thangkas tibétains, qui utilisent des compositions compartimentées pour illustrer des récits religieux ou philosophiques ?


Le point central de la composition est occupé par un motif circulaire complexe – un mandala finement détaillé. 

Ce mandala a été inspiré par une rencontre avec un papillon « sphinx à tête de mort », qui est venu se cogner contre la fenêtre de l’atelier de Meichelus. On l’a retrouvé le lendemain, posé sur une fleur, sur le sol de la courette qui borde la maison. Ce papillon rare, extraordinaire, est une espèce généralement associée à des symboles sombres ou morbides en raison de la forme crânienne dessinée sur son thorax. Il évoque l’ Achéron, fleuve des enfers de la mythologie grecque, et Atropos, la divinité chargée de couper le fil de la vie. Meichelus a souhaité sortir de l’anthropique interprétation, dépassant la tentation morbide, et utilise le mandala pour transformer l'aura de cet insecte en une énergie positive et transcendante. En intégrant des motifs bienveillants et des symboles harmonieux, l'artiste cherche à "modifier l'épigénétique de sa symbolique" du papillon tête de mort, réécrivant ainsi sa signification pour en faire un symbole de renaissance et de lumière intérieure. Ce mandala, placé au cœur de la composition, devient alors un noyau de métamorphose, d'où émane un message de rédemption consacrée.


Au-dessus et en dessous du mandala central, des bandes de texte calligraphié, évoquant un alphabet tibétain ou sanskrit, attirent immédiatement l'attention. Ces inscriptions, mantras ou extraits de prières, ajoutent une dimension sacrée et mystique à cette oeuvre. Leur présence encadre la composition, offrant une atmosphère de rituel et de révérence. La typographie choisie et la façon dont les textes s'inscrivent dans l'espace visuel rappellent ainsi les parchemins sacrés des traditions bouddhistes et hindoues, où les mots ne sont pas seulement des vecteurs de sens mais des objets de pouvoir spirituel.

La position de ces texte, servant de cadre supérieur et inférieur, crée une symétrie verticale qui stabilise la composition tout en renforçant l'idée de frontière entre le profane et le sacré. Nous pourrions interpréter ces écritures comme des passages vers une dimension spirituelle ou comme des incantations protectrices qui entourent et bénissent le contenu visuel de l'œuvre.


Personnages et figures symboliques


En regardant avec attention, nous découvrons  un univers peuplé de figures anthropomorphes, de créatures chimériques et de motifs floraux et végétaux, dispersés autour du mandala. Certains visages sont stylisés, presque oniriques, et évoquent des expressions de calme, de contemplation ou de transcendance. Ces visages aux traits sereins paraissent détachés du monde matériel, suggérant des entités spirituelles ou des divinités bienveillantes, incarnations possibles de principes métaphysiques ou de forces naturelles.

Les créatures hybrides, mi-animales mi-humaines, contribuent à l'aspect mythologique de cette œuvre. On y devine des formes qui rappellent à la fois des esprits de la nature et des archétypes universels présents dans les mythes de diverses cultures. Meichelus semble s'inspirer d'une imagerie collective, un répertoire symbolique intemporel où chaque être représenté incarne un aspect de l'univers : la sagesse, la protection, la fertilité, la force, ou encore la méditation. L’humour a aussi sa place… 

La disposition des figures autour du mandala central évoque un rituel ou une forme d'adoration, comme si elles étaient rassemblées autour d'une source de transformation spirituelle. Cette organisation pourrait illustrer le pouvoir du papillon tête de mort réinventé, où ce qui était autrefois un symbole de mort ou d'obscurité devient une lumière autour de laquelle gravitent toutes les créatures de cet univers. C'est une célébration de la capacité de transformation et de réinvention, de l'ombre vers la lumière.


Technique et choix des matériaux


L'utilisation de l'aquarelle permet des jeux de transparences et de superpositions subtiles, créant des effets d'ombre et de lumière qui insufflent une aura éthérée à l'ensemble. Les couleurs dominantes – des tons de vert, de jaune, de rouge, et des nuances terreuses – ajoutent une sensation de nature vivante, en écho avec les thèmes de connexion spirituelle et de sagesse éternelle. Les verts semblent chercher l'harmonie et la croissance, les jaunes la lumière et la connaissance, tandis que les rouges sont souvent associés à l'énergie, à la passion et à la vie elle-même.

L'encre de Chine, quant à elle, est utilisée pour accentuer les contours et donner de la profondeur aux détails. Chaque trait est net, précis, et l'on ressent une véritable maîtrise technique. Un geste habité. Les fines lignes d'encre créent un effet de dentelle, notamment dans les bordures supérieures et inférieures de l'œuvre, rappelant des motifs de broderie ou des ornements architecturaux. Cela confère à l'ensemble un aspect artisanal, presque sacré, comme si chaque élément avait été « sculpté » dans le papier avec une attention minutieuse et une grande dévotion.


Éléments de détail et motifs géométriques


Au-delà du mandala central, des motifs géométriques et des arabesques parsèment la composition, ajoutant une autre couche de complexité visuelle. Ces motifs semblent non seulement décoratifs mais également symboliques : dans de nombreuses traditions spirituelles, la géométrie sacrée est utilisée pour représenter des concepts comme l'infini, la connexion universelle ou l'ordre cosmique. Les spirales, par exemple, symbolisent souvent la croissance, l'évolution ou la fluidité de l'énergie vitale.

Les bordures sont également riches en détails, avec des motifs floraux et des arabesques qui prolongent l'idée d'unité et de cycle. Ces bordures pourraient être interprétées comme des frontières entre le monde visible et l'invisible, un espace liminaire où l'artiste invite celui qui observe, à transgresser le monde matériel pour pénétrer un univers de réflexion spirituelle.


Interprétation et sens profond


« L’envol de l’Enigme » nous invite à une exploration profonde des liens entre l'humain, le divin et la nature. En combinant des éléments de différentes traditions spirituelles (comme le mandala bouddhiste, les écritures sacrées, les motifs naturels et les créatures mythologiques), Meichelus propose une vision du monde unifiée où chaque être est interconnecté. En reconfigurant le symbolisme du papillon tête de mort, l'artiste transcende sa connotation traditionnelle pour en faire un symbole de résilience et de rédemption. Ce mandala central devient alors un vecteur de renaissance, un appel à transformer nos perceptions et à transcender les significations héritées.

Chaque détail, chaque couleur et chaque symbole semblent avoir été choisis avec soin pour éveiller une forme de spiritualité, afin d’amener le spectateur à s'interroger sur sa place dans le cosmos… ou au quotidien. C'est une œuvre qui appelle à la contemplation, au voyage intérieur et à une réflexion profonde sur la nature de l'existence. Jour après jour.

Ainsi, l'artiste a su créer une toile à la fois complexe et harmonieuse, alliant précision technique et puissance spirituelle. Cette œuvre impose un dialogue silencieux entre le visible et l'invisible, entre l'ici et l'ailleurs, et nous laisse avec une impression de paix, de mystère et d'émerveillement.

jeudi 10 octobre 2024

Notre livre, écrit par Anouk Journo et illutré par moi est revenu des presses !



La campagne de contribution sur le site de Ulule ( ci-dessus ) s'est terminée, notre livre : « A la recherche de Truffe ou les alexandrins magique » est de retour de chez l’imprimeur pour notre plus grand bonheur! Merci encore à tous ceux qui ont cru dans ce projet et sans qui le livre n’aurait pu voir le jour ! Vous pouvez le trouver en vente içi et l’acheter directement à l’association.

Je joins la photo de la couverture du livre ainsi que l’article paru dans l’indépendant.







mercredi 21 août 2024

L’origine des religion est-elle psychédélique ? Article de Stéphan Shillinger dans la revue Métamorphose.

 

🍄 L'Origine des Religions est-elle Psychédélique ? 🍄 



Partage de cette article de Stéphan Schillinger issu de ses travaux de recherche publiés dans son livre : « La sagesse interdite » et que je montre sur ce blog.


Je  tiens à partager avec vous mon premier article pour le premier numéro de la revue Métamorphoses, qui m'accorde désormais une tribune mensuelle. Ma contribution au second numero sera "Les limites des thérapies sans spiritualité", puis "L'attachement traumatique" et "La psychomagie de Jodorowsky", respectivement pour les n°3 et et 4.


Les pratiques libératrices ont de tout temps été considérées comme dangereuses. Certains enseignements secrets sont donc logiquement devenus interdits, car émancipatoires, au point de se libérer de l’illusion de la réalité et d’atteindre des niveaux de conscience originels. Ainsi en est-il des pratiques de consommation de plantes sacrées – psychédéliques ou enthéogènes – associées à la méditation, qui existent depuis des millénaires à la base de toutes les traditions spirituelles. 


Puis l’Eternel Dieu commanda à l’homme, en disant : 


« Tu mangeras librement de tout arbre du jardin ». Genèse 2:16 


Dans la référence biblique sans doute la plus connue de l’histoire, l’épisode du fruit défendu, l’identification à l’ego est transcendée au profit de l’accès à un autre royaume, une autre dimension, et nous donne accès à ce qui pourrait être compris comme une entité plus grande faisant l’expérience d’elle-même à travers des formes de vies fragmentaires. Nous parlons d’« éveil ». Il y a alors compréhension que notre réalité illusoire procède d’un consensus culturellement renforcé, maintenu en place par des institutions dont la survie dépend de l’adhésion générale à ce consensus. L’expérience psychédélique, pratiquée depuis toujours, issue notamment de l’ingestion de plantes enthéogènes destinées à explorer la réalité sous un angle différent – les animaux eux-mêmes consomment des substances menant à un état modifié de conscience – permet de sortir de cette illusion, appelée Maya, dans le bouddhisme. Elle contribue à dissoudre ce qui fait de nous des individus limités, l’ego, et a pour effet de favoriser un changement de perception en passant de la conscience individuelle à la conscience universelle décrite par de nombreux mystiques à travers les âges. Les enthéogènes désignent communément des plantes sacrées (parfois des substances animales), dont l’usage est attaché à une tradition spirituelle et procurent, quand ils sont consommés à dessein, l’expérience transcendante dont il est fait mention dans toutes les traditions spirituelles. Ce mot provient des racines grecques en (dedans) theo (divin) et gen (crée), et signifie littéralement « générer le divin à l’intérieur ». Sont notamment ainsi désignés sous ce terme le peyotl, l’iboga, l’ayahuasca ou encore les champignons à psilocybine. Le terme psychédélique, quant à lui, englobe plus largement les « drogues » ou composés synthétiques, agissant sur le circuit sérotoninergique (LSD, Bufoténine, 2CB, DMT, etc.). 


Entre renaissance psychédélique et censure morale 


Actuellement, nous assistons à un engouement progressif pour la réintégration de ces derniers dans la société. Après la vague de prohibition planétaire, menée par les États-Unis dans les années 70, un nouveau mouvement émerge, porté par des hommes et des femmes déclarant leur souveraineté, leur liberté d’ingérer ce qu’ils souhaitent, et leur droit inaliénable d’explorer leur conscience avec ces outils de la nature. C’est ce que nous appelons la « renaissance psychédélique » qui a lieu depuis près d’une quinzaine d’années. Si notre société et notre culture valident les nourritures pour le corps, les nourritures de l’esprit, quant à elles, sont a priori proscrites. Les psychotropes autorisés comme le café, l’alcool, le thé ou le sucre, dont la consommation est même parfois encouragée, ont pour effet de réduire le champ de notre conscience et non de l’élargir. Les psychédéliques sont si bien méprisés qu’on les réduit volontiers sous l’appellation de « drogues » – une catégorisation outrageusement large, péjorative et imprécise, dans laquelle nous plaçons toute substance que nous déclarons altérer la conscience (dans le sens de « dégrader », et non seulement de « dénaturer »), sans aucun égard, ni considération, pour celles qui l’élargissent, l’aiguisent, l’approfondissent à l’instar des plantes enthéogènes et des substances psychédéliques catalysatrices et ambassadrices d’une reconnexion, profonde et expérientielle, à la nature. Cette censure morale et spirituelle qui ressurgit régulièrement au cours des deux derniers millénaires — propre à toute société de contrôle – est à mettre en relief avec les dizaines de milliers d’années de chamanisme, de mysticisme et d’expérience directe du « divin », permis par les enthéogènes, dont l’origine de la consommation est peut-être antérieure à la bipédie. 


Expérience profonde aux sources du chamanisme 


Il me semble fondamental de préciser qu’on entend ici le chamanisme dans sa dimension originelle, indissociable de l’ingestion de nourritures « sacrées » ou « magiques », enthéogènes. Il est à distinguer du néo-chamanisme actuel adossé au mouvement New Age, qui s’en affranchit parfois fièrement en tentant de reproduire des états de conscience modifiés avec des techniques ou une posture supposément inspirée du chamanisme traditionnel, auquel les enthéogènes sont pourtant non seulement centraux, mais fondateurs. Dans les traditions chamaniques les potentiels thérapeutiques et spirituels sont deux aspects considérés comme indissociables, contrairement à l’approche propre à notre société capitaliste, qui s’ouvre progressivement aux médecines psychédéliques sur fond de considérations rentabilistes et scientifiques. Or il n’est pas rare qu’une « guérison » survienne précisément grâce à une expérience d’éveil spirituel à la suite de la traversée d’un moment décrit comme difficile, voire effrayant ou horrible, dans laquelle l’expérimentateur peut traverser toutes les émotions négatives éventuellement refoulées tout au long de son existence. Les enthéogènes, et par extension les psychédéliques, offrent le potentiel de favoriser l’émergence de royaumes spirituels, inhérents à la nature humaine, et étroitement liés au chamanisme originel. Y accéder implique la traversée des émotions qui nous entravent, à laquelle l’expérience psychédélique profonde nous convoque souvent. 


2000 ans d’initiation psychédélique de masse 


Pendant plusieurs millénaires, de nombreuses institutions facilitant l’accès à ces expériences directes ont parsemé l’Europe et l’Asie. Ce fut notamment le cas des « cultes à mystères » indo-européens, parmi lesquels ceux de la Grèce antique furent les plus célèbres. Les Cités-États qui constituaient la Grèce rivalisaient chacune de leur culte à mystères, dont le plus célèbre était situé à Éleusis. Les mystères d’Éleusis consistaient en une initiation d’une efficacité inégalable, qui avait pour objet l’absorption d’une boisson à base notamment d’ergot de seigle à partir duquel est synthétisé ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « LSD ». Sa présence lors des cultes, entre autres plantes psychotropes, est attestée par des disciplines comme l’archéochimie et l’archéobotanique. De nombreuses spéculations concernent l’utilisation d’autres substances, comme ce fut le cas à travers le monde antique avec les champignons à psilocybine. Le mot mystère vient du grec muo, qui signifie littéralement « fermer les yeux ». Sous peine de mort, il était expressément interdit de révéler ce qu’on vivait lors des mystères d’Eleusis. Ils ont été, pendant plus de vingt siècles, une manière rituelle d’assurer les

chances de vivre l’éveil spirituel, en « mourant avant la mort ». Le culte attirait les esprits les plus brillants de l’époque. Des personnalités comme Socrate, Platon, Sophocle, Aristote, Épicure, Plutarque et Cicéron y ont été initiées, entre autres nombreux philosophes et empereurs romains. Ces initiations psychédéliques de masse ont été interdites à la fin du IVe siècle par l’empereur romain Théodose 1er qui tentait de faire d’une certaine vision du christianisme — alors privé de ses sacrements enthéogènes constitutifs — la religion officielle. 


L’essence de la foi chrétienne ? 


Selon Brian Muraresku, auteur du New-York Times Best Seller The Immortality Key, il y a de nombreuses raisons de penser que ces trois siècles de paléo-christianisme psychédélique sont l’essence même de la foi qui rassemble aujourd’hui deux milliards de chrétiens. Avant d’être chrétienne, l’eucharistie originelle était consommée dans le cadre d’un repas important, un banquet païen d’inspiration grecque appelé agapè, qui était « souvent marquée par une consommation excessive de boisson conviviale », qui n’avait rien des effets de l’alcool présent dans le vin d’aujourd’hui. À titre d’exemples liminaires : Dio Scoride, un médecin contemporain de Jésus, est l’auteur d’un ouvrage répertoriant 56 recettes de vin, dont la quasi-totalité contiennent des plantes enthéogènes. Saint Ignace d’Antioche, évêque du Ier siècle, parle de l’Eucharistie comme la « drogue de l’immortalité » (pharmakon athanasias) - un « antidote » ET un « poison » à la mort, capable de générer la vie éternelle. Dans la Bible, l’apôtre Paul se plaint que le repas commun dans l’église ressemble davantage à une agape où certains semblent abuser du sacrement. Il se livre alors à une injonction spirituelle, et non festive, des sacrements manifestement psychédéliques : « Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe. Car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit un jugement contre lui-même. C’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de malades, et qu’un grand nombre sont morts. » (Corinthiens 11:28-30) Apparemment, il y a deux mille ans, « un nombre considérable » de Corinthiens mouraient ou tombaient malades pendant l’eucharistie chrétienne. Nous sommes loin de la gaufrette au goût de carton et du vin de messe. 



Des prophéties sous l’effet de plantes 


Benny Shanon, professeur émérite de psychologie à l’université hébraïque présente, en 2008, une hypothèse selon laquelle l’ancienne religion israélite était associée à l’utilisation d’enthéogènes. Basées sur une nouvelle lecture des textes de l’Ancien Testament relatifs à la vie de Moïse, sa théorie s’appuie sur la présence dans les zones arides de la péninsule du Sinaï et du sud d’Israël, de deux plantes contenant les mêmes molécules psychoactives que l’ayahuasca : la plante Peganum harmala (aussi appelé Rue de Syrie, harmal, ou esphand en arabe), et de plusieurs variétés de mimosacées, dont certains acacias riches en DMT. Ce qui permet d’éclairer les raisons des mentions étonnamment abondantes de cet arbre dans la Bible et les traditions égyptiennes. De ce dernier ont été faits le tabernacle et l’arche dans lesquels étaient gardées les Tables de la Loi. Le professeur déclare, par ailleurs, avoir été frappé par la similitude entre les expériences et visions qu’il a eues au cours de centaines de cérémonies d’ayahuasca et celles rapportées dans les textes bibliques, où le serpent, symbolique de cette expérience, est mentionné, métaphoriquement ou non, plus de 120 fois sous divers noms. L’une des principales conclusions de sa recherche est que, en effet, les visions de l’ayahuasca présentent des points communs interpersonnels significatifs qui transcendent les variations socioculturelles. 


Moïse sous psychédéliques ? 


Les récentes études scientifiques du Dr Rick Strassman, rapportés dans son livre « DMT & the Soul Prophecy » portent sur les troublantes similarités entre la phénoménologie des expériences prophétiques et des expériences de la DMT. Deux expériences, largement documentées et étudiées, dont les critères phénoménologiques se chevauchent à plus de 90 %.

Pour Shanon, les épisodes clés de la vie de Moïse présentent des caractéristiques qui sont des symptômes importants de l’expérience de l’ayahuasca. Ces épisodes incluent la première rencontre de Moïse avec ce qu’il considère comme Dieu, lors de sa théophanie au mont Sinaï, traditionnellement considérée comme l’événement le plus important de toute l’histoire juive. Plusieurs travaux de recherche ultérieurs appuient encore davantage l’hypothèse enthéogénique actuelle. Des suggestions similaires ont également été faites concernant l’islam. En étudiant le folklore arabe et bédouin dans le sud de la Jordanie, l’enquêteur indépendant Rami Sadji a émis l’hypothèse que l’islam et la religion arabe préislamique reposent également sur l’utilisation d’enthéogènes. Plusieurs sources relatent l’utilisation du roseau Arundo donnax, comme enthéogène en combinaison avec le buisson Peganum harmala. C’est dans ce roseau psychédélique, dans lequel des quantités non négligeables de DMT et de bufoténine sont présentes, que les Égyptiens enveloppaient leurs morts. 


Le mystère du Soma 


Le « Rig-Véda », au centre de la religion védique, a été rédigé entre 1500 et 900 avant notre ère. Cette collection d’hymnes sacrés, comprenant 1 028 ensembles de vers organisés en 10 recueils, implique la pratique de rites complexes qui intègrent paroles et gestes « magiques ». Veda signifie simultanément « connaissance intuitive des puissances agissantes lumineuses qui régissent l’existence de la société des aryas », et « pratique des méthodes aptes à les influencer ». Si l’Iliade et l’Odyssée sont les textes mères de la civilisation occidentale, le Rig-Véda en est la grandmère. Et là, nous trouvons la « potion » originale, une boisson sacramentelle appelée « soma ». Dans le Rig-Véda, le soma est à la fois une plante et le dieu résidant dans la plante. Avec une ampleur similaire, il en était de même en Perse, cinq siècles plus tôt avec le Zoroastrisme, et son livre sacré — l’Avesta — dans lequel nous découvrons l’ingestion d’un breuvage appelé Haoma, qui transmet des enseignements à celui qui le boit. Une succession de détails fera sourire les buveurs expérimentés d’ayahuasca. Dans son livre « The Hindus : An Alternative History », l’indologue Wendy Doniger souligne que les premiers Indiens védiques vivaient dans les montagnes où poussaient beaucoup de champignons enthéogènes. Cependant, lorsque leur société a migré vers les plaines du Gange, le soma psychédélique a disparu et ne sont restés que les kriyas, un ensemble spécifique de pratiques respiratoires et énergétiques inspirées des états transcendants induits par la consommation de champignons psychédéliques, copieusement représentés dans les temples et sculptures de l’époque. Plusieurs auteurs avancent que ces exercices sont à l’origine du yoga, tel qu’il est mentionné dans cet ouvrage fondateur que sont « Les sutras de Patanjali », où l’éveil par la consommation des plantes y tient la même place que la méditation, les chants ou le yoga. 


Se reconnecter à la conscience universelle 


De tout temps, les hommes ont tenté de rapporter le contenu d’expériences spirituelles sous formes de mots, de les institutionnaliser et de les organiser. Du chamanisme sont nés les cultes à Mystères, détruits par les religions du livre, elles-mêmes librement inspirées de ces derniers, obstruant l’accès à l’expérimentation directe et imposant une intermédiation cléricale dépositaire exclusive de l’interprétation dogmatique de l’expérience enthéogène de quelques prophètes. À l’image d’un cœur qui se contracte et se dilate, l’humanité arrive en fin de contraction, avec le recul du dogme religieux qui est un des plus grands obstacles à l’éveil. Le remède serait là, juste sous nos yeux. Il prend la forme de quelques molécules, qui, employées avec la bonne intention et le bon cadre, nous ouvrent les yeux sur le mur qui approche en nous connectant avec l’intelligence du vivant, et avec ce que de nombreuses traditions décrivent comme une conscience universelle. Il s’agit, ici et maintenant, d’injecter de l’esprit dans la matière, de l’humilité dans le dogme, de la conscience dans l’ignorance, de l’amour dans la peur. Il s’agit de nous préparer à la rencontre avec une entité que notre niveau de conscience actuel ne peut pas concevoir. Et qui nous attend avec un amour infini. 


Stéphan Shillinger.


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