vendredi 13 août 2021

Tableau N° 4 : «  IIkààh » L’endroit par lequel les dieux viennent et vont »

Toujours inspiré par la fonction thérapeutique des peintures sur sable Navajos et Hopis, au départ de ce travail, « IIkààh ou l’endroit par lequel les

dieux viennent et vont » m’a été « soufflé » par la relation que les hommes entretenaient avec les dieux, dans une société où tout était relié. Le soleil et la « terre-mère » sont au centre cérémoniel de cette peinture qui utilise également les végétaux, les minéraux, le tout mixé, écrasé par des femmes. Les couleurs sont choisies ainsi que leur fonction symbolique, les formes y sont extrêmement précises et codifiées comme les peintures des moines tibétains sur leurs mandalas. Ces peintures sont, à l’origine, éphémères et elles sont détruites après usage afin que les hommes n’en fassent pas mauvaise utilisation.

Chaque peinture est censée être la reproduction de celle qui fut donnée par les dieux aux héros du chant et l’exacte copie mythique. Ici sont représentés des êtres surnaturels, figures mystiques, placés aux quatre points cardinaux ou en file, les uns à la suite des autres, groupés parfois par paires, hommes, femmes, vieux, jeunes avec des représentations sacrées : soleil, lune, éclairs, arbres, plantes, champs, étoiles, arcs en ciel...

Le chanteur est médecine-man, le sol sur lequel la peinture est déposée est balayé, le peintre a des aides. A la fin, le patient s’assied sur la peinture face à l’est...

J’ai, fidèlement, laissé descendre l’inspiration, pour que se devinent les formes à travers les ombrages du crayonnage et les petits points de l’encre. Les taches de couleurs copient celles utilisées sur les peintures de sable mais sont réalisées avec des pastels. Le trait a été déposé avec le plus de légèreté possible et suivant un jaillissement profond et ancré du geste...

J’ai eu besoin de poser d’autres éléments rattachés à une écriture plus kabbalistique ou ésotérique afin de mettre en relief cette dimension philosophique oubliée : dans le travail de guérison, le peuple Navajo qui se nomme « Dînéa », partage l’idée que l’harmonie, Hozro, est essentielle, le lien avec la beauté du monde est fondatrice du bien-être de chacun. Les croyances à partir du XVIIe jusqu’au XVIIIe siècle vont évoluer et seront colorées des luttes et batailles que subiront et mèneront ce peuple. Curieusement, notre conscience occidentale très « manichéenne » est en écho avec les changements qu’ont vécus les Navajos, suite au génocide subi à la fin du siècle dernier. Ce qui était partie intégrale de leur culture, leur croyances, vont sensiblement changer après les épisodes dits de « chasse aux sorciers ». Ce qui est bien et ce qui est mal est devenu plus important. Les médecine-mans ont adapté leur pratique, peu de sorciers ont survécu... Ce qui m’a inspiré pour cette toile, avec le cadre très codifié des peintures thérapeutiques, c’est un questionnement sur la part d’abstraction et de liberté que s’octroie aujourd’hui l’artiste médecin-man à une époque où l’esprit évolue en pensant se passer du spirituel. Les contraintes associées à la création s’entendent, inversement, quand le spirituel croit pouvoir se passer de ce que l’esprit catalogue et enferme, rejetant ses propres ressentis comme issus du « mal », les catastrophes deviennent alors inévitables. Ce qui est opérant dans le processus de guérison peut s’apparenter à un transfert avec l’immanence, l’éternel sans exclure la place du mal, comme facteur « déchu » de la création.

50 X 32, 8 cm sur papier Canson

Mine de crayon noir, pastels et calligraphie iridescente


Poésie d’Anouk Journo :


Des clématites sauvages

Sur les chemins émondés

Où nos pieds nus s’amusent...

Voilà des sols encore frissonnants De vents aimés

Mélangeant leurs langages

Hiver comme été




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